Une cuisine d’auteur aux racines africaines

par | Nov 20, 2023 | Les goûts, Portrait

Senda D. Waguena, le chef cuisinier aux multiples origines, souffle un nouveau vent sur la scène culinaire. Entre récit et cuisine émotionnelle où l’humain prend sens, l’artiste derrière les fourneaux se raconte et raconte sa cuisine aux touches africaines.

« Dans ma cuisine, il y a une influence africaine. C’est quelque chose qu’on ne peut pas enlever » soutient Senda David Waguena, chef cuisinier. Mais sa cuisine ne se résume pas qu’à ça. Depuis son ancien restaurant nommé Jujube, il a mis en place une forme de récit. Et chaque jour, dans ses quartiers pris depuis septembre 2023 à l’hôtel Le Donjon-Domaine Saint-Clair à Étretat en Normandie, il orchestre une cuisine en lien avec ses voyages et surtout connectée à l’humain.

L’humain au cœur de sa cuisine

En 2012, il vient en France pour se chercher*. L’aventure française l’a amené à officier pendant deux ans dans son restaurant à 500 mètres de Montmartre dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Et chaque matin, le chef originaire du Nord du Togo s’est réveillé sans trop savoir ce qui se passera au 4, rue Dancourt, dans son ancien restaurant. Alors, le chef Senda Waguena aime bien dire à ses convives qu’ici, c’est une page blanche. Et qu’ils vont écrire l’histoire ensemble. Cette histoire est un conte culinaire imprégné des rencontres longues, courtes, furtives ou d’un instant qu’il a pu faire tout au long de sa vie. « En cuisinant de cette façon, je me remémore les souvenirs avec cette personne qui m’a beaucoup apporté et marqué. Et ce que nous avons pu partager ensemble. C’est ce que j’ai fait au Jujube » précise-t-il. Même si à l’ouverture de son premier restaurant, les gens ont souvent présumé qu’il allait faire de la cuisine africaine. Ah non non*! Le chef ne « veut pas d’étiquette. Je voulais me sentir libre de pouvoir m’exprimer au jour le jour et de raconter l’histoire des gens avec lesquels j’ai collaboré dans ma vie. Et surtout ce que ça a pu donner humainement comme rencontre ». Et c’est ce qu’il continue au Bistrot Saint Clair à Étretat.

La cuisine c’est sa vie

Des rencontres, Senda de son prénom, le guerrier en langue losso, en a eu. Baroudeur, il a sillonné en long et en large l’Afrique de l’Ouest. Dès 9 ans, il quitte le Togo suite aux tensions politiques pour s’établir un long moment à Dakar au Sénégal. En 2002, de retour au Togo depuis quelques années, il obtient une bourse d’étude dans une école hôtelière italienne, le Centro di formazione professional di Clusione à Bergame, au nord-est de Milan. « Si on m’enlève la cuisine, je ne sais pas ce que je peux faire de ma vie. C’est la seule chose que je me sens de faire » lâche le chef Senda Waguena.

Pendant onze ans, le gars-ci* sillonne l’Italie, du centre au nord, entre restaurants gastronomiques, restaurants étoilés, trattorias. Des Dolomites jusqu’en Toscane, le conteur culinaire a écumé toutes les régions du coin. Il a trop duré là-bas*. « Cela m’a permis d’apprendre énormément. La cuisine italienne est très marquée de région en région. Cela a été très enrichissant et intéressant ». Et cette cuisine est tout simplement le reflet de ses tranches de vie.

Des tranches de vie en cuisine

A 39 ans, Senda Waguena se nourrit de toute cette expérience. Et ce n’est pas un hasard si son ex-restaurant a eu pour nom Jujube. L’appellation d’un tout petit fruit goûtu, légèrement sucré et très riche que le chef a découvert dans sa jeunesse à Dakar, au Sénégal.

Au Bistrot Saint Clair où il officie actuellement, il propose « une cuisine plurielle. C’est un style qui englobe plein de cuisines différentes sans pour autant forcément vouloir les mélanger. Parfois, elle va être très identitaire. Parfois, elle va partir totalement sur autre chose » explique-t-il. Le chef n’hésite pas à se raconter dans ses créations culinaires. Par exemple, sur l’ancienne carte du Jujube, il a réinterprété le gboman dessi, une sauce typiquement togolaise avec des linguini. « Trouver un croisement entre la cuisine italienne que j’ai connu sur le bassin méditerranéen où les gens m’ont beaucoup appris à travers les coquillages, les fruits de mer. Et amener cet ingrédient à se croiser avec une sauce qui fait l’identité du Togo » est l’une des manières de créer du chef Senda Waguena. Ce « best seller » du restaurant Jujube regroupe deux pays dont le chef est fan* en plus du Sénégal.

« L’Afrique est quand même ma terre natale et de prédilection. Je tiens toujours à apporter une petite touche d’Afrique dans tout ce que je fais » souligne le chef. Pour lui, c’est une façon de rester lié à ses sources et de garder un fil rouge dans ce qu’il fait. Dans sa cuisine, les traces de l’Afrique passent souvent par le Togo et le Sénégal. « Ce sont deux pays où j’ai vécu et que j’affectionne beaucoup » développe-t-il. Comme il aime le dire: « on peut décider où l’on va, mais il faut toujours se rappeler d’où l’on vient ». Est-ce que le chef augmente le volume ou bien?*

Une cuisine d’ici et de là-bas pour les Normands

Depuis septembre 2023, le chef Senda Waguena fait découvrir sa cuisine aux Normands.
Il a déposé ses valises pour un petit moment à l’hôtel Le Donjon-Domaine Saint-Clair. Aux reines du Bistrot Saint Clair sur les hauteurs d’Etretat, il vient donner « une identité remarquable à cet établissement. Je ne change pas ma façon de faire pour rien au monde. C’est typiquement ma cuisine » précise le chef. Avec son offre totalement différente du restaurant gastronomique 1 Étoile Michelin, Le Donjon, situé à Étretat de surcroît dans le même lieu, Senda Waguena souhaite attirer une clientèle locale. Ici, la carte est un peu plus centrée sur les produits de la mer. Déjà locavore, il a la chance d’avoir sur place le potager du domaine et une kyrielle de petits producteurs dans le coin.
Et c’est en pleine Normandie, au cœur d’un magnifique parc verdoyant avec vue sur la mer et les falaises, que Senda Waguena a saisi l’opportunité de faire « découvrir autre chose qu’une très bonne cuisine française classique. Une cuisine qui casse quand même les codes de la gastronomie française mais qui fait voyager et qui fait découvrir de nouveaux ingrédients ». Où l’Afrique a sa place. C’est le mood en Seine-Maritime au Bistrot Saint Clair.

La rédaction

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